Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
321

les infidèles, voilà pourquoi je veux voir vos traits ; car un homme ressemble souvent à un autre par la stature et par la voix.

— Comme vous voudrez, dit Guillaume ; vous agissez sagement.

Il délace son heaume et retire la coiffe de mailles qui lui couvre la tête. Alors Guibor peut le regarder en face, et voir sur son nez la bosse, reste de la blessure qu’autrefois Corsolt lui fit devant Rome.

— Dieu ! dit la dame, je vois que j’ai trop tardé à vous laisser entrer.

Elle court aussi vite que possible vers la porte, qu’elle ouvre toute grande, puis elle abaisse le pont. Et le comte y entre les larmes aux yeux. Il descend de cheval et embrasse Guibor ; il lui donne dix baisers, qu’elle lui rend en pleurant tendrement.

Puis le comte donna des ordres pour loger ses troupes. Les uns se casèrent tant bien que mal dans la ville, les autres dehors. On dressa les tentes et les pavillons de couleur et l’on distribua les vivres qu’ils avaient apportés.

Le comte Guillaume fit mettre son cheval à l’écurie et monta au palais de Gloriette. Il s’assit à côté de Guibor en attendant le dîner. Cependant Renouard entra dans les cuisines pour y déposer son tinel. Dame Guibor remarqua ce grand jeune homme qui ne paraissait pas avoir quinze ans.

— Monseigneur, dit-elle à son mari, quel est ce bachelier qui porte sur son épaule cette énorme perche, qu’un cheval aurait de la peine à traîner ? Sainte Marie ! où a-t-il pris une telle massue ? Jamais on n’en vit de pareille, et celui qui la manie doit être d’une force extraordinaire. Dieu ! qu’il est grand et beau ! Où l’avez-vous déterré ? D’où vous l’a-t-on amené ?

— C’est le roi de France qui me l’a donné.

— Pour Dieu ! traitez-le bien ; il m’a tout l’air d’être