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Le soleil était radieux. Desramé sortit de sa tente, entouré de quinze rois couronnés. Il regarda du côté d’Orange et aperçut les Français rangés en bataille. Il ne vit que heaumes et hauberts luisants au soleil, et enseignes de soie déployées au vent. Il fut tout étonné et se demanda quels pouvaient être ces gens-là. Mais voilà qu’un messager lui arrive ; il est blessé et couvert de sang et accourt au galop. Arrivé près du roi, il lui crie :

— Sire Desramé, hâtez-vous donc. Vous vous croyez en sûreté, et voilà Guillaume, le marquis au court nez, qui tombe sur vous, accompagné de son père, de ses frères et de tout son lignage. Il amène avec lui tant de guerriers de France, qu’on ne saurait compter combien de milliers ils sont.

Desramé, à cette nouvelle, devient pourpre de colère. Il roule les yeux et grince des dents ; sa fureur est extrême, et ceux qui le regardent, sont effrayés. Il fait de suite sonner à l’étendart. Les païens accourent effarés, et bientôt il y en a tant d’armés qu’aucun clerc, quelque lettré qu’il fût, ne pourrait vous le dire. Jamais homme ne vit une armée si formidable.

Desramé se fait armer. Ses chausses de mailles sont merveilleusement ouvragées du plus fin or d’Espagne. Putefragne lui chausse les éperons. Puis il endosse le haubert qui jadis avait appartenu au roi Aufaigne ; celui qui en est armé n’a rien à craindre. On lui lace le heaume avec trente lacets. Maradoc lui apporte son épée ; le roi la ceint lui-même, n’estimant personne digne de cet honneur. Puis il monte sur le meilleur cheval de France ou d’Allemagne. Un des rois lui tend l’écu et l’émir d’Espagne, son arc. Enfin il prend une forte lance avec une large banderolle. Il s’élance en avant en disant :

— Marchons ! si je rencontre aujourd’hui Guillaume dans la plaine, que je perde mon nom, si je ne le tue pas du premier coup.

Tant de cors sonnèrent l’attaque que les notes aiguës