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Une nouvelle troupe s’avance ; ce sont ceux de Palerne, commandés par Sinagon et Escaiman-le-gris. Ils sont dix mille et foulent aux pieds tout ce qu’ils rencontrent. Les coups pleuvent de toutes parts ; le combat devient furieux.

Renouard se dit à soi-même :

— J’ai mal fait, j’ai trop longtemps tardé ; la bataille est perdue et le déshonneur en tombera sur moi. Sainte Marie, mère de Dieu, ne laissez pas finir le combat, avant que j’aie fait sentir aux Sarrasins la pesanteur de mon tinel ! Si je ne tue pas ces païens par dizaines, honte à moi et à mon bâton ! Monjoie ! Si je ne venge le brave Vivian, vrai Dieu, j’enragerai.

Puis s’adressant aux couards, il leur dit :

— Écoutez ce que je vais vous dire. Vous me suivrez tous ; et par le Seigneur qui fut mis en croix ! le premier qui s’avisera de fuir, je lui casserai les bras et les côtes avec ce tinel que vous voyez.

— Monseigneur, ne doutez pas de nous ; nous irons où vous voudrez et nous frapperons si bien de nos lances, que pas un n’encourra de blâme.

Là-dessus il attaque les Turcs. Du premier coup de son tinel il en assomme dix, et autant du second. Il les abat comme le faucheur l’herbe. Et les couards se sont bien comportés ; suivant l’exemple de leur chef, ils en tuent un millier. Les monceaux de morts les empêchent d’avancer.

— Barons, dit Renouard, frappez ! Par saint Denis ! vous avez tort de les épargner. En ce jour le noble Vivian sera vengé. Le roi Desramé est venu ici pour son malheur ; si je le rencontre c’est un homme mort.

Les ennemis prennent la fuite ; pas un n’ose l’attendre. Un des fuyards est allé trouver Desramé et lui crie de loin :

— Seigneur Desramé, nous avons mauvaise chance. Guillaume a amené un vassal d’une telle force qu’homme qui vive n’a jamais vu son pareil. On l’appelle Renouard au tinel ; il est armé d’une massue si formidable que, sur mon hon-