Page:Guillaume d’Orange, le marquis au court nez (trad. Jonckbloet).djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73

cieux drap brun. Le frein en avait été conquis en Arabie.

Guillaume se mit en selle et aussitôt il s’élança au galop jusqu’au bout de la place, à la grande satisfaction de tous les Français.

Les nouveaux chevaliers faisaient grand bruit en courant la quintaine ; mais Guillaume ne voulut pas s’associer à eux. Il voulait tenir le serment qu’il avait fait à Narbonne-sur-mer, lorsqu’il quitta sa mère, de ne pas rester à Paris, mais de retourner en son pays pour attaquer les infidèles, aussitôt qu’il aurait été armé chevalier.

Pendant que ses compagnons s’amusaient à joûter dans la plaine, un messager de Narbonne envoyé par dame Hermengard, arriva en toute hâte.

Il cria à haute voix :

— Où est Guillaume et le comte Aymeric ? Il leur est arrivé un grand malheur, car ils ont perdu la cité de Narbonne.

Aymeric l’entendit et crut perdre l’esprit : il marcha droit au messager et lui dit :

— Dis-tu la vérité ? Ne me cache rien.

— Je vous jure au nom de Dieu, monseigneur, que les Sarrasins et les Esclavons ont mis le siége devant votre bonne cité. Il y en a tant qu’il est impossible de les compter. Ils sont trente rois mécréants, dont le moindre est à la tête de trente mille Turcs bien armés. Ils auront pris la ville avant que ce mois soit passé, si elle n’est secourue par vous et par Dieu.

En même temps il lui présenta une lettre qu’il avait apportée. Aymeric entendit la nouvelle avec un profond chagrin ; il en fit part à l’empereur, et ayant appelé son chapelain, le pria de lui lire la lettre.

Celui-ci brisa vivement le sceau et après y avoir jeté les yeux, dit :

— Les rois Aarofle, Gasteblé, Parramas, Buleté, Danebron, Bautrumé, Corsuble, Ténebré, Desramé, et maints autres, en tout trente rois et quatorze émirs, ayant à leur