rasins ; il me semble qu’il est prisonnier et qu’il a les mains liées. Je vous jure que c’est bien malgré lui, et qu’il ne veut pas obéir à leurs ordres. Secourons-le pour l’amour de Dieu.
— Comme il vous plaira, monseigneur, répondirent-ils ; nous ne vous faudrons pas au besoin, tant que nous serons vivants.
Ils firent sentir les éperons d’or à leurs chevaux et coururent droit à Aymeric. Quand Aarofle les aperçut, il eut peur et se mit aussitôt à fuir.
— Tu ne t’en iras pas comme cela, dit Aymer. Il pousse son cheval sur lui et lui porte un formidable coup de lance sur son écu bombé ; il le met en pièces, déchire son haubert et lui plante son épieu dans la poitrine. Le Sarrasin tombe mort à ses pieds.
Son frère Buevon, surnommé de Commarchis, court à Aymeric et de son épée coupe ses liens. On lui trouve un bon cheval ; il y monte par l’étrier d’or, jurant que les Sarrasins l’ont lié pour leur malheur.
— Dieu soit loué ! s’écria-t-il. Bienheureux qui a un bon ami ; bénie soit l’heure où j’ai élevé ces enfants !
Déjà un païen s’est hâté d’aller porter cette nouvelle à Thibaut l’Arabe.
— Par Mahomet ! fit-il, Thibaut, tu joues de malheur ; car les trois fils du comte Aymeric ont ouvert les portes de Narbonne et chevauchent vers nous. S’ils vous atteignent, vous y perdrez la tête. Déjà ils vous ont tué Bauduc, le fils de Haquin, et Aarofle, et ils ont délivré leur père.
Thibaut enragea de douleur ; il se fit d’amers reproches.
— Par Mahomet ! fit-il, j’eusse mieux fait de mourir, quand je ne me vengeai pas tout de suite de ce vieillard et le confiai à la garde de mon cousin Bauduc.
— Le repentir vient trop tard, lui dit son homme. Le comte et ses enfants arrivent pour votre malheur.
Et déjà Aymeric et ses trois fils descendent de la hauteur