Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il se produisit beaucoup d’autres signes qui ont coutume d’annoncer ou la mort d’un roi, ou des calamités au pays. Cette année les vendanges furent maigres, les eaux fortes, les pluies immenses, et les fleuves grossirent aussi considérablement.

Il y eut en ce temps, dans la ville de Tours, un nommé Didier qui se disait un grand personnage, et affirmait pouvoir faire beaucoup de prodiges. Il se vantait de correspondre par des messagers avec les apôtres Pierre et Paul ; et comme j’étais absent, les peuples grossiers affluaient autour de lui, amenant des aveugles et des boiteux, qu’il cherchait non pas à guérir par sa sainteté, mais à tromper par les artifices de la nécromancie. Lorsqu’il y en avait de paralytiques, ou gênés dans leurs mouvements par quelqu’autre infirmité, il les faisait étendre de force, afin de guérir par son industrie ceux qu’il ne pouvait redresser par un don de la puissance divine. Ses serviteurs prenaient donc les malades, les uns par les bras, les autres par les pieds, et les tiraient chacun de son côté, en telle sorte qu’on aurait cru que leurs nerfs allaient se rompre, et il les renvoyait ainsi guéris ou morts ; car il arriva que beaucoup rendirent l’esprit dans ce tourment. Ce misérable était tellement gonflé de vanité que, s’il s’avouait inférieur à saint Martin, il s’égalait aux apôtres ; et ce n’est pas merveille qu’il se soit prétendu semblable aux Apôtres, puisque l’auteur de tout mal, de qui procèdent ces choses, doit à la fin des siècles se donner pour le Christ. De là vint qu’on l’accusa, comme nous l’avons dit, d’être imbu des erreurs de l’art de la nécromancie ; car des témoins ont assuré que lorsqu’on avait dit du mal de