Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/116

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passait-il un jour sans un meurtre, une heure sans querelles, un moment sans pleurs !

Le roi Childebert, instruit de ces nouvelles, adressa des envoyés au roi Gontran, afin que, réunissant les évêques des deux royaumes, on pût par un jugement canonique remédier à ce qui se passait. Dans cette vue, le roi Childebert nomma pour être présens à Poitiers notre médiocre personne, Ébrégésile, évêque de Cologne, et Mérovée, évêque de la ville. Le roi Gontran y envoya Gondégésile, évêque de Bordeaux, avec ses évêques suffragants, parce qu’il était métropolitain de la ville de Poitiers. Mais nous commençâmes à refuser, disant que nous n’irions pas dans cette ville jusqu’à ce que la violence de la sédition qu’avait élevée Chrodielde eût été réprimée par la force judiciaire. Alors on fit passer à Maccon, en ce temps-là comte de la ville, des lettres portant l’ordre de réprimer la sédition par la force si l’on faisait résistance. Chrodielde, l’ayant appris, ordonna à ses sicaires de se tenir en armes devant la porte de l’oratoire, afin de résister au juge, et, s’il voulait employer la force, de lui rendre la pareille. Le comte fut donc obligé d’y marcher avec des gens armés, de les réduire en frappant les uns à coups de barres, perçant les autres de traits, et usant de l’épée contre ceux qui résistaient plus violemment. Chrodielde voyant ce qui arrivait prit la croix dominicale dont elle avait jusqu’alors méprisé la puissance, et sortit au-devant des assaillants, disant : « Gardez-vous, je vous prie, d’user contre moi de violence, car je suis reine, fille d’un roi et cousine d’un autre roi. Gardez-vous-en bien, de peur que, lorsque le temps en sera venu, je ne