Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prenne vengeance de vous. » Mais la multitude, s’embarrassant fort peu de ce qu’elle disait, se précipita, comme nous l’avons dit, sur les gens qui faisaient résistance, et les tira enchaînés du monastère ; ils furent attachés à des poteaux, sévèrement frappés ; on coupa aux uns les cheveux, aux autres les mains, aux autres les oreilles et les narines, et la sédition fut apaisée.

Alors les évêques vinrent et siégèrent sur le tribunal ecclésiastique, et Chrodielde se présenta devant eux proférant contre l’abbesse beaucoup d’injures et d’accusations. Elle affirma que l’abbesse avait dans le monastère un homme vêtu d’habillemens de femme, et qu’elle faisait passer pour femme, quoique ce fût bien clairement un homme et qu’il servit l’abbesse avec assiduité. Elle le montra du doigt et dit : C’est lui. Celui-ci qui, comme nous l’avons dit, était présent dans l’assemblée en habits de femme, dit qu’il ne pouvait faire œuvre d’homme, et que c’était pourquoi il avait choisi cet habillement. Il déclara ne connaître l’abbesse que de nom, ne l’avoir jamais vue et ne lui avoir jamais parlé, d’autant qu’il vivait à plus de quarante milles de la ville de Poitiers. Ne pouvant donc convaincre l’abbesse de ce crime, Chrodielde ajouta : Quelle sainteté peut-on trouver dans une abbesse qui rend les hommes eunuques, et les oblige d’habiter prés d’elle à la manière impériale ? » L’abbesse interrogée répondit qu’elle ne savait rien de cette affaire. Cependant Chrodielde ayant dit le nom de ce serviteur eunuque, Réoval, le médecin, qui se trouvait là présent dit : « Ce jeune homme étant tout enfant, il lui vint un mal dans la cuisse et on commença à désespérer de lui. Sa mère vint trouver