Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/16

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se relever, et le remit entre les mains de l’évêque, en disant : Qu’il demeure en ta puissance, saint évêque, jusqu’à ce qu’il se soit rendu devant le roi Gontran ; et il lui ordonna de se retirer.

Ensuite Rauchingue s’unit avec les principaux du royaume de Clotaire, fils de Chilpéric, et feignant de traiter de la paix, afin qu’il ne s’élevât point de différends, et qu’on ne commit point de ravages sur les confins des deux royaumes, ils tinrent conseil, méditant de tuer le roi Childebert. Après quoi Rauchingue devait régner en Champagne avec Théodebert, fils aîné du roi. Ursion et Bertfried devaient prendre avec eux le plus jeune fils de Childebert, dernièrement venu au monde et nommé Théodoric, et après avoir chassé Gontran, s’emparer du reste du royaume. Pleins de colère contre la reine Brunehault, ils formaient le projet de la réduire à un état d’humiliation, comme ils l’avaient fait au commencement de son veuvage[1] viii. Rauchingue, enflé de son extrême pouvoir, et se flattant, comme je l’ai dit, de parvenir à la gloire du sceptre, se prépara à se rendre vers le roi Childebert, pour accomplir ce qu’ils avaient projeté.

Mais la bonté de Dieu fit d’abord parvenir ces cho-

  1. C’est ici une de ces coalitions des principaux Leudes contre le pouvoir royal, qui furent plus fréquentes en Austrasie qu’en Neustrie ; et agitèrent le gouvernement de Brunehault jusqu’à ce qu’enfin elle y succombât. Montesquieu a expliqué avec sa sagacité ordinaire cette lutte de l’aristocratie naissante des grands propriétaires contre la royauté et les causes de la chute de Brunehault (Esprit des Lois, liv. 31, chap. 1er et suiv.). Seulement il n’a pas vu pourquoi l’Austrasie en fut le principal théâtre. On peut consulter à ce sujet les Essais sur l’Histoire de France, par M. Guizot, dans le second essai intitulé : Des Causes de la chute des deux premières races.