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VIE DE DAGOBERT Ier.

Au retour de Clotaire, Sadrégésile, déshonoré par ces affronts, se présente devant lui et lui raconte en pleurant ce qu’il a souffert, et de la part de qui. Le roi, touché des injures de son duc, et se répandant contre son fils en menaces furieuses, ordonne qu’on le fasse venir vers lui. À cette nouvelle, Dagobert, qui ne devait ni ne pouvait résister, jugea qu’il lui était au moins permis de fuir la colère de son père en se retirant dans l’église des saints martyrs dont j’ai parlé. Il prit donc la fuite vers cet asile, et, poursuivi par son père, se rendit en toute hâte là où s’était réfugié autrefois le cerf que lui-même poursuivait. Ce souvenir lui faisait croire que les saints qui avaient repoussé les chiens de leur sanctuaire le protégeraient aussi contre le courroux du roi, et l’événement ne trompa point son espérance.

Lorsque Clotaire eut appris que Dagobert était allé se mettre sous la garde des saints, encore plus irrité, il envoya des satellites avec ordre de l’en arracher et de le lui amener aussitôt. Ceux-ci partirent en toute hâte pour exécuter ce qui leur était prescrit. Lorsqu’ils ne furent plus éloignés du lieu saint que d’environ un mille, la puissance divine les empêcha de porter plus loin leurs pas. Ils reviennent vers leur seigneur et lui racontent ce qui leur est arrivé. Clotaire ne voulant pas les croire et disant qu’ils avaient préféré à ses ordres l’intérêt de son fils, en choisit d’autres, les chargeant d’accomplir ce qu’avaient négligé les premiers. Mais ceux-là éprouvant à leur tour le même sort, et revenant, font au roi le même récit. La colère du roi n’en fut point calmée, et il résolut de faire lui-même ce qu’il n’avait pu faire par ses serviteurs.