Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/47

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du duc en fut ensanglanté ; car s’en étant rendu maître avec des coups de poing, des soufflets, et d’autres mauvais traitements, il la prit dans ses bras, et aussitôt, accablé de sommeil, il s’endormit. Elle, ayant étendu la main au-delà de la tête de cet homme, trouva son épée, et l’ayant tirée, lui en frappa courageusement la tête, ainsi que l’avait fait Judith à Holopherne. À ses cris, ses serviteurs accoururent et voulurent tuer la jeune fille, mais il s’écria en disant : « N’en faites rien, je vous prie, car j’ai péché en voulant de force lui ravir sa chasteté ; qu’elle ne périsse point celle qui n’a rien fait que pour conserver sa pudicité. » En disant ces mots, il rendit l’esprit. Tandis que sa famille réunie était occupée à pleurer sur le lit, la jeune fille, avec l’aide de Dieu, s’échappa, sortit de la maison et arriva dans la nuit à la ville de Châlons située à près de trente-cinq milles[1] xxxiii du lieu d’où elle était partie. Là, elle entra dans la basilique de saint Marcel, et prosternée aux pieds du roi lui raconta tout ce qui lui était arrivé. Le roi très miséricordieux non seulement lui donna la vie, mais commanda qu’il lui fût remis un ordre d’après lequel il la prenait sous sa protection, et défendait à aucun des parents du défunt de l’inquiéter en aucune manière. Nous avons su que, par l’aide de Dieu, la chasteté de cette fille n’avait été en aucune manière violée par son furieux ravisseur.

La reine Brunehault fit fabriquer un bouclier d’une merveilleuse grandeur, d’or et de pierres précieuses. Elle fit aussi faire en bois deux plats vulgairement

  1. Quinze milles seulement selon quelques manuscrits, ce qui parait plus probable.