Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, 1823.djvu/96

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emporté en s’enfuyant de chez lui. Mais je crois devoir rapporter plus au long cette affaire, et comment Tétradie avait quitté Eulalius et s’était enfuie vers Didier. Eulalius, jeune d’âge, agissait en plusieurs choses sans raison, en sorte que, souvent réprimandé par sa mère, il avait conçu de la haine pour elle, qu’il aurait dût aimer. Comme elle se prosternait souvent en prières dans l’oratoire de sa maison, et pendant le sommeil de ses serviteurs passait fréquemment les veilles de la nuit dans l’oraison et dans les larmes, il arriva qu’un jour on la trouva étranglée dans le cilice dont elle était vêtue durant sa prière. Personne ne sachant qui avait commis cette action, son fils fut accusé du parricide. Il parut dans la cité d’Auvergne, et l’évêque Cautin lui refusa la communion. À la fête de saint Julien, martyr, comme les citoyens étaient réunis autour de l’évêque, Eulalius se prosterna à ses pieds, se plaignant qu’on l’eût séparé de la communion sans qu’il eût été entendu. Alors l’évêque lui permit d’assister à la messe avec les autres ; mais, lorsqu’on vint à la communion, et qu’Eulalius s’approcha de l’autel, l’évêque lui dit : « Le bruit populaire t’accuse de parricide, mais j’ignore si tu as ou non commis ce crime ; j’en remets donc le jugement à Dieu et au saint martyr Julien. Si donc tu es innocent, comme tu l’affirmes, approche, prends une portion de l’eucharistie et mets-la dans ta bouche ; Dieu verra ta conscience. » Celui-ci prit l’eucharistie et s’en alla après avoir communiéxxii. Il avait pour femme Tétradie, née d’une mère noble et d’un père de rang inférieur. Comme, dans sa maison, il vivait en familiarité avec ses servantes,