Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/156

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C’était leur maître, le barbare, qui parlait ainsi ; il venait de la ville de Reims, où il avait été à leur recherche, et il les aurait trouvés en route si la nuit ne l’en eût empêché. Les chevaux se mirent en route et repartirent. Cette même nuit les deux autres arrivèrent à la ville, et y étant entrés, trouvèrent un homme auquel ils demandèrent la maison du prêtre Paulelle. Il la leur indiqua ; et comme ils traversent la place, on sonna Matines, car c’était le jour du Seigneur. Ils frappèrent à la porte du prêtre et entrèrent. Léon lui dit le nom de son maître. Alors le prêtre lui dit : « Ma vision s’est vérifiée, car j’ai vu cette nuit deux colombes qui sont venues en volant se poser sur ma main : l’une des deux était blanche et l’autre noire[1] xxiv. » Ils dirent au prêtre : « Il faut que Dieu nous pardonne ; malgré la solennité du jour, nous vous prions de nous donner quelque nourriture xxv, car voilà la quatrième fois que le soleil se lève depuis que nous n’avons goûté ni pain ni rien de cuit. » Ayant caché les deux jeunes gens, il leur donna du pain trempé dans du vin, et alla à Matines. Il y fut suivi par le barbare qui revenait cherchant ses esclaves ; mais, trompé par le prêtre, il s’en retourna, car le prêtre était depuis longtemps lié d’amitié avec le bienheureux Grégoire. Les jeunes gens ayant repris leurs forces en mangeant, demeurèrent deux jours dans la maison du prêtre, puis s’en allèrent ; ils arrivèrent ainsi chez saint Grégoire. Le pontife, réjoui en voyant ces jeunes gens, pleura sur le cou de son neveu Attale xxvi. Il délivra Léon et toute sa race du joug de la

  1. Cette phrase semble indiquer que Léon était nègre ; on ne peut douter qu’il n’y eût déjà, sous les Romains, des esclaves noirs dans la Gaule.