Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/194

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pagnée de violents éclairs et de beaucoup de tonnerre ; et lorsque chacun fût revenu dans son camp, Chramne trompa ses frères, en leur faisant annoncer par des étrangers la mort de leur père ; car Clotaire était alors, comme nous l’avons dit, à faire la guerre contre les Saxons. Effrayés de cette nouvelle, Charibert et Gontran reprirent en toute diligence le chemin de la Bourgogne. Chramne les suivit avec son armée et marcha jusqu’à la ville de Châlons qu’il assiégea et prit ; puis il poussa jusqu’au château de Dijon ; il y arriva un dimanche, et je vais raconter ce qui s’y passa. Saint Tétrique, évêque, dont nous avons déjà parlé dans un autre ouvrage [Vie des Pères, VII], était alors à Dijon. Les prêtres ayant posé sur l’autel trois livres, savoir : les Prophéties, les Apôtres et les Évangiles, prièrent Dieu de faire connaître ce qui arriverait à Chramne, et de déclarer, par sa divine puissance, s’il aurait un heureux succès et s’il pouvait espérer de régner. Il était convenu que chacun lirait à l’office ce qu’il trouverait à l’ouverture du livre. Ayant donc ouvert le premier livre des Prophètes, on y trouva ceci : « J’arracherai ma vigne et elle sera dans la désolation, parce qu’elle devait produire des raisins, et n’a produit que des fruits sauvages[1] [Isaïe, 5, 4-5]. » On ouvrit le livre des Apôtres, et on y trouva ceci : Car vous savez très bien, mes frères, que le jour du Seigneur doit venir comme un voleur de nuit ; car lorsqu’ils diront : nous voici en paix et en sûreté, ils seront surpris tout d’un coup d’une ruine imprévue, comme l’est une femme grosse des douleurs de l’enfantement, sans qu’il leur reste au-

  1. Isaïe, chap. 5, v. 4, 5.