Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/205

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une grande partie de ce qu’elle avait, et ne lui en laissant qu’une petite portion, il l’envoya au monastère d’Arles. Là, elle ne se soumettait qu’avec beaucoup de chagrin aux jeûnes et aux veilles ; elle s’adressa donc par des messagers secrets à un certain Goth, lui promettant que, s’il voulait la conduire en Espagne et l’épouser, elle quitterait le monastère avec ses trésors et le suivrait de très bon cœur. Lui le promit sans hésiter : elle avait donc rassemblé ses effets, et les avait mis en paquet, se préparant à quitter le couvent, mais l’abbesse par sa vigilance prévint ce projet, et l’ayant prise en fraude la fit cruellement fustiger, puis renfermer, et elle demeura ainsi jusqu’à sa mort dans des souffrances non petites.

Le roi Sigebert, qui voyait ses frères s’allier à des épouses indignes d’eux, et prendre pour femmes, à leur grand déshonneur, jusqu’à leurs servantes, envoya des ambassadeurs en Espagne chargés de beaucoup de présents pour demander en mariage Brunehault [Brunichilde], fille du roi Athanagild[1] [en 566]. C’était une jeune fille de manières élégantes, belle de figure, honnête et décente dans ses mœurs, de bon conseil et d’agréable conversation. Son père consentit à l’accorder, et l’envoya au roi avec de grands trésors ; et celui-ci ayant rassemblé les seigneurs et fait préparer des fauteuils, la prit pour femme avec une joie et des réjouissances infinies. Elle était soumise à la loi arienne ; mais les prédications des prêtres et les exhortations du roi lui-même la convertirent ; elle crut et confessa la Trinité une et bienheureuse, reçut l’onction du saint chrême [en 613],

  1. En 566.