Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/214

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diminuât son mérite, en tombant dans une vaine gloire. Un jeune homme, étant arrivé au monastère, se présenta à l’abbé pour se dévouer au service de Dieu. L’abbé s’y opposa par beaucoup de raisonnements, lui disant que le service de cet endroit était dur, et qu’il ne pourrait jamais accomplir tout ce qui lui serait ordonné. Il promit, avec l’aide de Dieu, de tout accomplir, en sorte que l’abbé le reçut peu de jours après. Lorsqu’il s’était déjà fait remarquer de tous par son humilité et sa sainteté, il arriva que les moines, sortant les grains de leur grenier, en mirent sécher au soleil près de cent cinquante boisseaux qu’ils lui ordonnèrent de garder ; et tandis que les autres s’occupaient ailleurs, il demeurait à la garde du grain. Tout à coup le ciel se couvrit de nuages, et voilà qu’une forte pluie accompagnée du bruit des vents, s’approchait rapidement du monceau de grains ; ce que voyant le moine, il ne savait que déterminer ni que faire, pensant que, s’il appelait les autres, il y avait tant de grains qu’ils ne suffiraient pas à les rentrer à eux tous dans le grenier. Renonçant donc à tout autre soin, il se mit en oraison, priant Dieu qu’il ne descendît pas une goutte de cette pluie sur le froment ; et tandis qu’il priait prosterné à terre, les nuages s’ouvrirent, et la pluie tomba en abondance autour du monceau, sans mouiller, s’il est permis de le dire, un seul grain de froment. Les autres moines et l’abbé s’étant réunis pour venir promptement ramasser le grain, furent témoins de ce miracle, et, cherchant le gardien, l’aperçurent de loin, prosterné sur le sable, à prier ; ce que voyant l’abbé, il se prosterna derrière lui, et, la pluie passée, l’oraison