Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/313

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que cela me fût lu, il me dit : « Je veux que toi et les autres docteurs de l’Église le croyiez ainsi. » Je lui répondis : « Quitte cette erreur, roi très pieux ; il te convient de suivre les doctrines qui nous ont été laissées, après les apôtres, par les autres docteurs de l’Église, qu’ont enseignées Hilaire et Eusèbe, et que toi-même as confirmées à ton baptême. » Alors le roi irrité dit : « Il m’est évident qu’Hilaire et Eusèbe ont été en cela violemment opposés l’un à l’autre. [Il m’est évident que dans cette affaire Hilaire et Eusèbe sont mes ennemis déclarés]xcix. À quoi je répondis : « Il te faut prendre garde de n’offenser ni Dieu ni ses Saints ; car tu sais qu’à les considérer dans leur personne, autre est le Père, autre le Fils, autre est le Saint-Esprit. Ce n’est point le Père qui s’est fait chair, non plus que le Saint-Esprit ; c’est le Fils. Celui qui était fils de Dieu, pour racheter les hommes, s’est fait fils aussi d’une Vierge. Ce n’est pas le Père qui a souffert la Passion, ce n’est pas l’Esprit saint, c’est le Fils, afin que celui qui s’était fait chair en ce monde fût offert pour le monde. Ce n’est point corporellement, mais spirituellement, que s’entendent les personnes dont tu parles. Il n’est donc en ces trois personnes qu’une seule gloire, une seule éternité, une seule puissance. » Il me dit en colère : « Il faut que je le montre à de plus sages que toi qui seront de mon avis. » Et moi je lui dis : « Ce ne sera pas un sage, mais un fou, que celui qui voudra adopter ce que tu proposes. » Furieux de ces paroles, il ne me dit plus rien. Peu de jours après, vint Sauve [Salvius], évêque d’Albi. Il ordonna qu’on lui lût cet écrit, le priant d’en être d’accord. Sauve, l’ayant entendu, le repoussa à tel point que, s’il eût pu saisir le papier qui