Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/342

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aux besoins des pauvres, soit à la rédemption des captifs. Tant qu’il vécut, jamais dans son couvent on ne fit cuire de pain, mais les dévots lui en apportaient autant qu’il en avait besoin. Il racheta de leurs offrandes une grande multitude de captifs, réprima souvent par le signe de la croix le venin du feu Saint-Antoine, fit sortir par ses oraisons les démons du corps des possédés, et plusieurs fois le charme de sa parole fut pour les juges, non pas une prière, mais plutôt un ordre qui les forçait d’absoudre les coupables ; car il avait un si doux langage que lorsqu’il leur demandait de pardonner, il leur était impossible de refuser. On avait, en ce temps, condamné à être pendu pour vol, un homme que les habitants du pays accusaient violemment de plusieurs autres crimes, tant vols qu’homicides. Lorsque Éparque le sut, il envoya un de ses moines prier le juge de lui accorder la vie de ce criminel. Mais le peuple se mit en colère, et cria que si on délivrait cet homme, ni le juge, ni le pays ne s’en trouveraient bien, en sorte qu’il ne put le délivrer. L’homme fut donc étendu sur des roues xxviii [poulies], frappé à coups de verges et de bâton, et condamné au gibet. Comme le moine vint fort triste rendre cette réponse à son abbé ; « Va, lui dit celui-ci, et regarde de loin ; car je sais que Dieu me donnera en présent celui que l’homme n’a pas voulu me rendre, et quand tu le verras tomber, prends-le et conduis-le de suite au monastère. » Le moine ayant fait ce qui lui était ordonné, Éparque se prosterna en oraison, et pria Dieu avec larmes jusqu’à ce que le poteau et les chaînes s’étant rompus, le pendu tomba à terre. Alors le moine l’ayant pris, l’amena à l’abbé sans aucun mal.