Page:Guizot - Collection des mémoires relatifs à l'histoire de France, Tome 1, 1823.djvu/366

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nelle. » Comme elle buvait avidement de cette eau, voilà qu’elle vit de l’autre côté venir l’abbesse qui, l’ayant dépouillée de ses vêtements, la couvrit d’habits royaux, brillant de tant d’éclat d’or et de pierres précieuses qu’à peine serait-il possible de le comprendre. L’abbesse lui disait : « Ton fiancé t’envoie ces présents. » Cette vision toucha le cœur de la religieuse, et, peu de jours après, elle pria l’abbesse de lui faire préparer une cellule pour y vivre en réclusion. La cellule fut très promptement préparée. L’abbesse lui dit : « Voilà la cellule, maintenant que désires-tu ? » La religieuse lui demanda qu’il lui fût permis de s’y renfermer. La chose lui ayant été accordée, elle y fut conduite par les vierges rassemblées, avec des chants et des flambeaux allumés, et sainte Radegonde qui la tenait par la main. Elle dit adieu à toutes, et les ayant embrassées l’une après l’autre, elle fut recluse dans la cellule ; on boucha la porte par où elle y était entrée, et là elle vaque à l’oraison et à la lecture.

Cette année-là sortit de ce monde l’empereur Tibère[1] lxiii, laissant parmi tout son peuple un grand deuil de sa mort. Il était éminent en bonté, toujours prêt à l’aumône, juste dans ses arrêts, très prudent à juger, ne méprisant personne, et embrassant tous les hommes dans sa bienveillance ; et comme il les chérissait tous, il était chéri de tous. Lorsqu’il fut tombé malade, il désespéra de sa vie ; il fit appeler l’impératrice Sophie et lui dit : « Voilà que je sens que le temps de ma vie est accompli ; je veux choisir, d’accord avec vous, celui qui doit gouverner la république ; il faut élire avec soin l’homme à qui je remettrai ma puissance. »

  1. Ce fut un 582, et non en 583 que mourut l’empereur Tibère.