Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/103

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force comme source du pouvoir, de la rattacher à une idée morale, à l’idée du droit, de la justice, de la raison. C’est là l’élément fondamental dont le principe de la légitimité politique est sorti. Il en est sorti à l’aide du temps, à l’aide de la durée. Voici comment.

Après que la force a présidé à la naissance de tous les gouvernements, de toutes les sociétés, le temps marche ; il change les œuvres de la force, il les corrige par cela seul qu’une société dure, et qu’elle est composée d’hommes. L’homme porte en lui-même un certain nombre de notions d’ordre, de justice, de raison, un certain besoin de les faire prévaloir, de les introduire dans les faits au milieu desquels il vit ; il y travaille sans cesse ; et si l’état social où il est placé continue, son travail a un certain effet. L’homme met de la raison, de la légitimité dans le monde au milieu duquel il vit.

Indépendamment du travail de l’homme, par une loi de la Providence qu’il est impossible de méconnaître, loi analogue à celle qui régit le monde matériel, il y a une certaine mesure d’ordre, de raison, de justice, qui est indispensable pour qu’une société dure. Du seul fait de la durée, on peut conclure qu’une société n’est pas complètement absurde, insensée, inique, qu’elle n’est pas absolument dépourvue de cet élément de raison, de vérité, de justice, qui seul peut faire vivre les sociétés. Si de plus la société se développe, si elle devient plus forte, plus puissante, si l’état social est, de jour en jour, accepté par un plus grand nombre d’hommes, c’est qu’il s’y introduit, par l’action du temps, plus de raison, plus de justice, plus de droit ; c’est que les faits se règlent peu à peu suivant la véritable légitimité.