Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/118

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avaient, selon leur situation, une valeur déterminée ; le Barbare, le Romain, l’homme libre, le Leude, etc., n’étaient pas estimés au même prix ; il y avait un tarif de leurs vies. Le principe de l’égale valeur des hommes devant la loi est établi dans la loi des Visigoths. Regardez au système de procédure ; au lieu du serment des compurgatores, ou du combat judiciaire, vous trouverez la preuve par témoins, l’examen rationnel du fait tel qu’il peut se faire dans une société civilisée. En un mot, la loi visigothe toute entière porte un caractère savant, systématique, social. On y sent l’ouvrage de ce même clergé qui prévalait dans les Conciles de Tolède, et influait si puissamment sur le gouvernement du pays.

En Espagne, et jusqu’à la grande invasion des Arabes, ce fut donc le principe théocratique qui tenta de relever la civilisation.

En France, la même tentative fut l’œuvre d’une autre force ; elle vint des grands hommes, surtout de Charlemagne. Examinez son règne sous ses divers aspects ; vous verrez que son idée dominante a été le dessein de civiliser ses peuples. Prenons d’abord ses guerres ; il est continuellement en campagne, du midi au nord-est, de l’Ebre à l’Elbe ou au Weser. Croyez vous que ce soient là des expéditions arbitraires, un pur désir de conquêtes ? Nullement : je ne dis pas qu’il se rende un compte bien systématique de ce qu’il fait, qu’il y ait dans ses plans beaucoup de diplomatie ni de stratégie ; mais c’est à une grande nécessité, au désir de réprimer la barbarie, qu’il obéit ; il est occupé tout le temps de son règne à arrêter la double invasion, l’invasion musulmane au midi, l’invasion