Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/137

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féodale, c’est l’esprit d’hérédité, de perpétuité qui y domine évidemment. L’esprit d’hérédité est inhérent à l’esprit de famille ; mais il n’a pris nulle part un aussi grand développement que dans la féodalité. Cela tient à la nature, de la propriété à laquelle la famille était incorporée. Le fief n’était pas une propriété comme une autre ; il avait constamment besoin d’un possesseur qui le défendît, qui le servît, qui s’acquittât des obligations inhérentes au domaine, et qui le maintînt ainsi à son rang dans l’association générale des maîtres du pays. De là, une sorte d’identification entre le possesseur actuel du fief et le fief même, et toute la série de ses possesseurs futurs.

Cette circonstance a beaucoup contribué à fortifier, à resserrer les liens de famille, déjà si puissants par la nature de la famille féodale.

Je sors maintenant de la demeure seigneuriale ; je descends au milieu de cette petite population qui l’entoure. Ici toutes choses ont un autre aspect. La nature de l’homme est si bonne, si féconde, que, lorsqu’une situation sociale dure quelque temps, il s’établit inévitablement entre ceux qu’elle rapproche, et quelles que soient les conditions du rapprochement, un certain lien moral, des sentiments de protection, de bienveillance, d’affection. Ainsi il est arrivé dans la féodalité. Nul doute qu’au bout d’un certain temps, ne se soient formées, entre les colons et le possesseur de fief, quelques relations morales, quelques habitudes affectueuses. Mais cela est arrivé en dépit de leur situation réciproque, et nullement par son influence. Considérée en elle-même, la situation était radicalement vicieuse. Rien de moralement