Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/156

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enfin exerce une influence, à tout prendre, plus nuisible qu’utile. À leur avis, la religion est un rapport purement individuel de l’homme à Dieu ; et toutes les fois que ce rapport perd ce caractère, toutes les fois qu’une autorité extérieure s’interpose entre l’individu et l’objet des croyances religieuses, c’est-à-dire Dieu, la religion s’altère et la société est en péril.

Nous ne pouvons nous dispenser, Messieurs, d’examiner cette question. Pour savoir quelle a été l’influence de l’Église chrétienne, il faut savoir quelle doit être, par la nature même de l’institution, l’influence d’une Église, d’un clergé. Pour apprécier cette influence, il faut chercher avant tout si la religion est en effet purement individuelle, si elle ne provoque et n’enfante rien de plus qu’un rapport intime entre chaque homme et Dieu, ou bien si elle devient nécessairement, entre les hommes, une source de rapports nouveaux, desquels découlent nécessairement une société religieuse, un gouvernement de cette société.

Si on réduit la religion au sentiment religieux proprement dit, à ce sentiment très réel, mais un peu vague, un peu incertain dans son objet, qu’on ne peut guère caractériser qu’en le nommant, à ce sentiment qui s’adresse tantôt à la nature extérieure, tantôt aux parties les plus intimes de l’âme, aujourd’hui à la poésie, demain aux mystères de l’avenir, qui se promène partout, en un mot, cherchant partout à se satisfaire, et ne se fixant nulle part ; si on réduit la religion à ce sentiment, il me paraît évident qu’elle doit rester purement individuelle. Un