Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/158

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à son indépendance, une question s’élève dans l’esprit humain : d’où vient la morale ? où mène-t-elle ? Cette obligation de faire le bien, qui subsiste par elle-même, est-elle un fait isolé, sans auteur, sans but ? Ne cache-t-elle pas, ou plutôt ne révèle-t-elle pas à l’homme une origine, une destinée qui dépasse ce monde ? Question spontanée, inévitable, et par laquelle la morale, à son tour, mène l’homme à la porte de la religion, et lui ouvre une sphère dont il ne l’a point empruntée.

Ainsi d’une part les problèmes de notre nature, de l’autre, la nécessité de chercher à la morale une sanction, une origine, un but, voilà pour la religion des sources fécondes, assurées. Ainsi, elle se présente sous de bien autres aspects que celui d’un pur sentiment tel qu’on l’a décrit ; elle se présente comme un ensemble, 1º de doctrines suscitées par les problèmes que l’homme porte en lui-même ; 2º de préceptes qui correspondent à ces doctrines, et donnent à la morale naturelle un sens et une sanction ; 3º de promesses, enfin, qui s’adressent aux espérances d’avenir de l’humanité. Voilà ce qui constitue vraiment la religion ; voilà ce qu’elle est au fond, et non une pure forme de la sensibilité, un élan de l’imagination, une variété de la poésie.

Ainsi ramenée à ses vrais éléments, à son essence la religion apparaît, non plus comme un fait purement individuel, mais comme un puissant et fécond principe d’association. La considérez-vous comme un système de croyances, de dogmes ? La vérité n’appartient à personne ; elle est universelle, absolue ; les hommes ont besoin de la chercher, de la professer en