Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/161

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ici rien à ordonner, à imposer ; rien de coercitif ne peut être légitime. Il n’y a pas lieu à gouvernement, puisque la liberté doit subsister tout entière.

Messieurs, c’est, je crois, se faire du gouvernement en général une bien petite et grossière idée que de croire qu’il réside uniquement, qu’il réside même surtout dans la force qu’il déploie pour se faire obéir, dans son élément coercitif.

Je sors du point de vue religieux ; je prends le gouvernement civil. Suivez, je vous prie, avec moi, le simple cours des faits. La société existe : il y a quelque chose à faire, n’importe quoi, dans son intérêt, en son nom ; il y a une loi à rendre, une mesure à prendre, un jugement à prononcer. À coup sûr, il y a aussi une bonne manière de suffire à ces besoins sociaux ; il y a une bonne loi à faire, un bon parti à prendre, un bon jugement à prononcer. De quelque chose qu’il s’agisse, quel que soit l’intérêt mis en question, il y a en toute occasion une vérité qu’il faut connaître, et qui doit décider de la conduite.

La première affaire du gouvernement, c’est de chercher cette vérité, de découvrir ce qui est juste, raisonnable, ce qui convient à la société. Quand il l’a trouvé, il le proclame. Il faut alors qu’il tâche de le faire entrer dans les esprits, qu’il se fasse approuver des hommes sur lesquels il agit, qu’il leur persuade qu’il a raison. Y a-t-il dans tout cela quelque chose de coercitif ? Nullement. Maintenant, supposez que la vérité qui doit décider de l’affaire, n’importe laquelle, supposez, dis-je, que cette vérité une fois trouvée et proclamée, tout à coup toutes les intelligences soient convaincues, toutes les volontés déterminées,