Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/172

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mal, ni du bien ; elle passe sans cesse de l’un à l’autre, se redressant au moment où elle semble plus près de la chute, faiblissant au moment où elle semble marcher le plus droit. Nous retrouvons encore ici ce caractère de discordance, de variété, de lutte, que j’ai fait remarquer comme le caractère fondamental de la civilisation européenne. Il y a de plus un fait général qui caractérise le gouvernement de l’Église, et dont il faut se bien rendre compte. Aujourd’hui, Messieurs, quand l’idée d’un gouvernement se présente à nous, quel qu’il soit, nous savons qu’il n’a guère la prétention de gouverner autre chose que les actions extérieures de l’homme, les rapports civils des hommes entre eux : les gouvernements font profession de ne s’appliquer qu’à cela. Quant à la pensée humaine, à la conscience humaine, à la moralité proprement dite, quant aux opinions individuelles et aux mœurs privées, ils ne s’en mêlent pas ; cela tombe dans le domaine de la liberté.

Messieurs, l’Église chrétienne faisait, voulait faire directement le contraire : ce qu’elle entreprenait de gouverner, c’était la pensée humaine, la liberté humaine, les mœurs privées, les opinions individuelles. Elle ne faisait pas un code, comme les nôtres, pour n’y définir que les actions à la fois moralement coupables et socialement dangereuses, et ne les punir que sous la condition qu’elles porteraient ce double caractère ; elle dressait un catalogue de toutes les actions moralement coupables, et, sous le nom de péchés, elle les punissait toutes, elle avait l’intention de les réprimer toutes ; en un mot, le gouvernement de l’Église ne s’adressait pas, comme les gouvernements