Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/182

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d’hui à vous faire connaître l’Église dans ses rapports avec les peuples. J’essaierai ensuite de tirer de ce triple examen une appréciation générale de l’influence de l’Église sur la civilisation européenne, du cinquième au douzième siècle. Nous vérifierons enfin nos assertions par l’examen des faits, par l’histoire même de l’Église à cette époque.

Vous comprenez sans peine qu’en parlant des rapports de l’Église avec les peuples, je suis obligé de m’en tenir à des termes très généraux. Je ne puis entrer dans le détail des pratiques de l’Église, des rapports journaliers du clergé avec les fidèles. Ce sont les principes dominants et les grands effets du système et de la conduite de l’Église envers le peuple chrétien, que je dois mettre sous vos yeux.

Le fait caractéristique, et, il faut le dire, le vice radical des relations de l’Église avec les peuples, c’est la séparation des gouvernants et des gouvernés, la non influence des gouvernés sur leur gouvernement, l’indépendance du clergé chrétien à l’égard des fidèles.

Il faut que ce mal fût bien provoqué par l’état de l’homme et de la société, car il s’est introduit dans l’Église chrétienne de très bonne heure. La séparation du clergé et du peuple chrétien n’était pas tout-à-fait consommée à l’époque qui nous occupe ; il y avait encore, en certaines occasions, dans l’élection des évêques, par exemple, quelquefois du moins, intervention directe du peuple chrétien dans son gouvernement. Mais cette intervention devenait de plus en plus faible, rare ; et c’est dès le second siècle de notre ère qu’elle avait commencé à s’affaiblir visiblement, rapidement. La tendance à l’isolement, à