Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/184

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plètement, comme je le ferai voir tout à l’heure, envahissait de plus en plus l’Église chrétienne dans ses relations avec les fidèles. Vous avez déjà vu, Messieurs, que, pour les clercs eux-mêmes, et dans le sein de l’Église, la liberté manquait de garantie. C’était bien pis hors de l’Église, et pour les laïques. Entre ecclésiastiques du moins il y avait discussion, délibération, déploiement des facultés individuelles ; le mouvement du combat suppléait en partie à la liberté. Rien de pareil entre le clergé et le peuple. Les laïques assistaient au gouvernement de l’Église comme simples spectateurs. Aussi voit-on germer et prévaloir de bonne heure cette idée que la théologie, les questions et les affaires religieuses sont le domaine privilégié du clergé ; que le clergé seul a droit non-seulement d’en décider, mais de s’en occuper ; qu’en aucune façon, les laïques n’y doivent intervenir. À l’époque qui nous occupe, cette théorie, Messieurs, était déjà en pleine puissance ; et il a fallu des siècles et des révolutions terribles pour vaincre, pour faire rentrer en quelque sorte les questions et les sciences religieuses dans le domaine public.

En principe donc, comme en fait, la séparation légale du clergé et du peuple chrétien était, avant le douzième siècle, à peu près consommée.

Je ne voudrais cependant pas, Messieurs, que vous crussiez le peuple chrétien sans influence, même à cette époque, sur son gouvernement. L’intervention légale lui manquait, mais non l’influence. Cela est à peu près impossible dans tout gouvernement ; bien plus encore dans un gouvernement fondé sur des croyances communes aux gouvernants et aux gouvernés.