Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/185

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Partout où cette communauté d’idées se développe, où un même mouvement intellectuel emporte le gouvernement et le peuple, il y a entre eux un lien nécessaire, et qu’aucun vice d’organisation ne saurait rompre absolument. Pour m’expliquer clairement, je prendrai un exemple près de nous et dans l’ordre politique : à aucune époque, dans l’histoire de France, le peuple français n’a eu moins d’action légale, par la voie des institutions, sur son gouvernement, que dans les dix-septième et dix-huitième siècles, sous Louis XIV et Louis XV. Personne n’ignore que presque toute intervention directe et officielle du pays dans l’exercice de l’autorité avait péri à cette époque. Nul doute, cependant, que le public, le pays, n’ait exercé alors sur le gouvernement bien plus d’influence que dans d’autres temps, dans des temps, par exemple, où les États-Généraux étaient assez souvent convoqués, où les parlements se mêlaient beaucoup de politique, où la participation légale du peuple au pouvoir était bien plus grande.

C’est qu’il y a, Messieurs, une force qui ne s’enferme pas dans les lois, qui au besoin sait se passer d’institutions, la force des idées, de l’intelligence publique, de l’opinion. Dans la France du dix-septième et du dix-huitième siècle, il y avait une opinion publique beaucoup plus puissante qu’à aucune autre époque. Quoiqu’elle fût dépourvue de moyens légaux pour agir sur le gouvernement, elle agissait indirectement, par l’empire des idées communes aux gouvernants et aux gouvernés, par l’impossibilité où se trouvaient les gouvernants de ne pas tenir compte de l’opinion des gouvernés. Un fait semblable avait lieu