Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/197

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ses intérêts actuels qui occupent tout le terrain. Dans le monde moderne, l’esprit religieux s’est mêlé à tout, mais sans rien exclure. L’intelligence moderne est empreinte à la fois d’humanité et de divinité. Les sentiments, les intérêts humains tiennent une grande place dans nos littératures ; et cependant le caractère religieux de l’homme, la portion de son existence qui se rattache à un autre monde, y paraissent à chaque pas : en sorte que les deux grandes sources du développement de l’homme, l’humanité et la religion, ont coulé en même temps et avec abondance ; et que, malgré tout le mal, tous les abus qui s’y sont mêlés, malgré tant d’actes de tyrannie, sous le point de vue intellectuel, l’influence de l’Église a plus développé que comprimé, plus étendu que resserré.

Sous le point de vue politique, c’est autre chose. Nul doute qu’en adoucissant les sentiments et les mœurs, en décriant, en expulsant un grand nombre de pratiques barbares, l’Église n’ait puissamment contribué à l’amélioration de l’état social ; mais dans l’ordre politique proprement dit, quant à ce qui touche les relations du gouvernement avec les sujets, du pouvoir avec la liberté, je ne crois pas qu’à tout prendre son influence ait été bonne. Sous ce rapport, l’Église s’est toujours présentée comme l’interprète, le défenseur de deux systèmes, du système théocratique ou du système impérial romain, c’est-à-dire du despotisme, tantôt sous la forme religieuse, tantôt sous la forme civile. Prenez toutes ses institutions, toute sa législation ; prenez ses canons, sa procédure, vous retrouverez toujours comme principe dominant la théocratie ou l’Empire. Faible, l’Église