Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/251

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nombre de chrétiens sont établis et encore puissants dans l’Asie mineure, la Syrie, la Palestine. On connaît mieux les moyens de voyage et d’action. Cependant rien ne peut ranimer les croisades. Il est clair que les deux grandes forces de la société, les souverains d’une part, les peuples de l’autre, n’en veulent plus.

On a beaucoup dit que c’était lassitude, que l’Europe était fatiguée de se ruer ainsi sur l’Asie. Messieurs, il faut s’entendre sur ce mot lassitude dont on se sert souvent en pareille occasion ; il est étrangement inexact. Il n’est pas vrai que les générations humaines soient lasses de ce qu’elles n’ont pas fait, lasses des fatigues de leurs pères. La lassitude est personnelle, elle ne se transmet pas comme un héritage. Les hommes du treizième siècle n’étaient point fatigués des croisades du douzième ; une autre cause agissait sur eux. Un grand changement s’était opéré dans les idées, dans les sentiments, dans les situations sociales. On n’avait plus les mêmes besoins, les mêmes désirs. On ne croyait plus, on ne voulait plus les mêmes choses. C’est par de telles métamorphoses politiques ou morales, et non par la fatigue que s’explique la conduite différente des générations successives. La prétendue lassitude qu’on leur attribue est une métaphore sans vérité.

Deux grandes causes, Messieurs, l’une morale, l’autre sociale, avaient lancé l’Europe dans les croisades.

La cause morale, vous le savez, c’était l’impulsion des sentiments et des croyances religieuses. Depuis la fin du septième siècle, le christianisme luttait contre