Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/291

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entièrement différentes : c’étaient autant des sociétés distinctes qui se gouvernaient chacune pour son compte, et par ses propres règles, son propre pouvoir. Elles étaient en relation, en contact, mais non dans une véritable union ; elles ne formaient point, à proprement parler, une nation, un État.

La fusion de toutes ces sociétés en une seule s’est accomplie ; c’est là précisément, vous l’avez vu, le fait distinctif, le caractère essentiel de la société moderne. Les anciens éléments sociaux se sont réduits à deux, le gouvernement et le peuple ; c’est-à-dire que la diversité a cessé, que la similitude a amené l’union. Mais avant que ce résultat ait été consommé, et même pour le prévenir, beaucoup d’efforts ont été tentés pour faire vivre et agir en commun, sans en détruire la diversité ni l’indépendance, toutes ces sociétés particulières. On eût voulu ne porter aucune atteinte un peu profonde à leur situation, à leurs privilèges, à leur nature spéciale, et cependant les réunir en un seul État, en former un corps de nation, les rallier sous un seul et même gouvernement.

Toutes ces tentatives ont échoué. Le résultat que je viens de rappeler, l’unité de la société moderne, atteste leur mauvais succès. Dans les pays mêmes de l’Europe où il subsiste encore quelques traces de l’ancienne diversité des éléments sociaux, en Allemagne, par exemple, où il y a encore une vraie noblesse féodale, une vraie bourgeoisie ; en Angleterre, où une église nationale est en possession de revenus propres et d’une juridiction particulière, il est clair que cette prétendue existence distincte n’est qu’une apparence, un mensonge ; que ces sociétés spéciales