Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/301

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grand succès apparent qu’une réaction populaire se déclare contre elle dans une grande portion de l’Europe. Dans le midi de la France éclate l’hérésie des Albigeois, qui envahit tout une société nombreuse et puissante. À peu près en même temps, dans le nord, en Flandre, apparaissent des idées et des désirs de même nature. Un peu plus tard, en Angleterre, Wiclef attaque avec talent le pouvoir de l’Église, et fonde une secte qui ne périra point. Les souverains ne tardent pas à entrer dans la même voie que les peuples. C’était au commencement du treizième siècle que les plus puissants et les plus habiles souverains de l’Europe, les empereurs de la maison de Hohenstaufen avaient succombé dans leur lutte avec la papauté. Ce siècle dure encore, et déjà saint Louis, le plus pieux des rois, proclame l’indépendance du pouvoir temporel et publie la première pragmatique, devenue la base de toutes les autres. À l’ouverture du quatorzième siècle s’engage la querelle de Philippe-le-Bel avec Boniface VIII ; le roi d’Angleterre, Edouard Ier, n’est pas plus docile pour Rome. À cette époque, il est clair que la tentative d’organisation théocratique a échoué ; l’Église sera désormais sur la défensive ; elle n’entreprendra plus d’imposer son système à l’Europe, elle ne songera plus qu’à garder ce qu’elle a conquis. C’est de la fin du treizième siècle que date vraiment l’émancipation de la société laïque européenne ; c’est alors que l’Église a cessé de prétendre à la posséder.

Depuis longtemps elle avait renoncé à cette prétention dans la sphère même où il semble qu’elle eût dû mieux réussir. Depuis longtemps, dans le