Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/321

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à travers les chances de leur destinée, que, pour la première fois, la noblesse, les bourgeois, les paysans, ont été réunis par un lien moral, par le lien d’un nom commun, d’un honneur commun, d’un même désir de vaincre l’étranger. Ne cherchez encore là aucun véritable esprit politique, aucune grande intention d’unité dans le gouvernement et les institutions, comme nous les concevons aujourd’hui. L’unité, pour la France de cette époque, résidait dans son nom, dans son honneur national, dans l’existence d’une royauté nationale, quelle qu’elle fût, pourvu que l’étranger n’y parût point. C’est en ce sens que la lutte contre les Anglais a puissamment concouru à former la nation française, à la pousser vers l’unité.

En même temps que la France se formait ainsi moralement, que l’esprit national se développait, en même temps elle se formait pour ainsi dire matériellement, c’est-à-dire que le territoire se réglait, s’étendait, l’affermissait. C’est le temps de l’incorporation de la plupart des provinces qui sont devenues la France. Sous Charles VII, après l’expulsion des Anglais, presque toutes les provinces qu’ils avaient occupées, la Normandie, l’Angoumois, la Touraine, le Poitou, la Saintonge, etc., devinrent définitivement françaises. Sous Louis XI, dix provinces, dont trois ont été perdues et regagnées dans la suite, furent encore réunies à la France : le Roussillon et la Cerdagne, la Bourgogne, la Franche-Comté, la Picardie, l’Artois, la Provence, le Maine, l’Anjou et le Perche. Sous Charles VIII et Louis XII, les mariages successifs d’Anne avec ces deux rois nous donnèrent