Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

les rapports politique, philosophique, littéraire, très supérieure à l’Europe des quatorzième et quinzième siècles. Il n’est donc pas étonnant qu’elle ait exercé un si grand empire ; que la plupart des esprits élevés, actifs, élégants, difficiles, aient pris en dégoût les mœurs grossières, les idées confuses, les formes barbares de leur temps, et se soient voués avec passion à l’étude et presque au culte d’une société à la fois bien plus régulière et plus développée. Ainsi se formait cette école de libres penseurs qui apparaît dès le commencement du quinzième siècle, et dans laquelle se réunissent des prélats, des jurisconsultes, des érudits.

Au milieu de ce mouvement arrivent la prise de Constantinople par les Turcs, la chute de l’Empire d’Orient, l’invasion des Grecs fugitifs en Italie. Ils y apportent une nouvelle connaissance de l’antiquité, de nombreux manuscrits, mille nouveaux moyens d’étudier l’ancienne civilisation. Vous comprenez sans peine quel redoublement d’admiration et d’ardeur anima l’école classique. C’était alors pour la haute Église, surtout en Italie, le temps du plus brillant développement, non pas en fait de puissance politique proprement dite, mais en fait de luxe, de richesse ; elle se livrait avec orgueil à tous les plaisirs d’une civilisation molle, oisive, élégante, licencieuse, au goût des lettres, des arts, des jouissances sociales et matérielles. Regardez le genre de vie des hommes qui ont joué un grand rôle politique et littéraire à cette époque, du cardinal Bembo, par exemple, vous serez surpris de ce mélange de sybaritisme et de développement intellectuel, de mœurs énervées et de hardiesse