Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/364

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au pouvoir temporel. Au même moment où elle rentrait, pour ainsi dire, dans la possession des fidèles, la religion est sortie du gouvernement de la société. Dans les pays réformés, malgré la diversité des constitutions ecclésiastiques, en Angleterre même, où cette constitution est plus voisine de l’ancien ordre de choses, le pouvoir spirituel n’a plus aucune prétention sérieuse de diriger le pouvoir temporel.

Je pourrais énumérer beaucoup d’autres conséquences de la Réforme, mais il faut se borner, et je me contente d’avoir mis sous vos yeux son principal caractère, l’émancipation de l’esprit humain, l’abolition du pouvoir absolu dans l’ordre spirituel ; abolition qui n’a pas été complète, sans doute, le plus grand pas pourtant qui, jusqu’à nos jours, eût été fait dans cette voie.

Avant de finir, je vous prie de remarquer quelle frappante similitude de destinée se rencontre, dans l’histoire de l’Europe moderne, entre la société religieuse et la société civile, dans les révolutions qu’elles ont eu à subir.

La société chrétienne a commencé, nous l’avons vu quand j’ai parlé de l’Église, par être une société parfaitement libre, formée uniquement au nom d’une croyance commune, sans institutions, sans gouvernement proprement dit, réglée seulement par des pouvoirs moraux et mobiles, selon les besoins du moment. La société civile a commencé pareillement en Europe, en partie du moins, par des bandes de barbares ; société parfaitement libre, où chacun restait parce qu’il le voulait, sans lois ni pouvoirs institués. Au sortir de cet état, qui ne pouvait se concilier avec