Page:Guizot - Histoire générale de la civilisation en Europe, 1838.djvu/59

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entier, ou bien s’il porte en lui quelque chose d’étranger, de supérieur à son existence sur la terre.

Messieurs, un homme dont je m’honore d’être l’ami ; un homme qui a traversé des réunions comme la nôtre, pour monter à la première place dans des réunions moins paisibles et plus puissantes ; un homme dont toutes les paroles se gravent et restent partout où elles tombent, M. Royer-Collard a résolu cette question ; il l’a résolue, selon sa conviction du moins dans son discours sur le projet de loi relatif au sacrilége. Je trouve dans un discours ces deux phrases : « Les sociétés humaines naissent, vivent et meurent sur la terre ; là s’accomplissent leurs destinées… Mais elles ne contiennent pas l’homme tout entier. Après qu’il s’est engagé à la société, il lui reste la plus noble partie de lui-même, ces hautes facultés par lesquelles il s’élève à Dieu, à une vie future, à des biens inconnus dans un monde invisible… Nous, personnes individuelles et identiques, véritables êtres doués de l’immortalité, nous avons une autre destinée que les États[1]. »

Je n’ajouterai rien, Messieurs, je n’entreprendrai point de traiter la question même ; je me contente de la poser. Elle se rencontre à la fin de l’histoire de la civilisation : quand l’histoire de la civilisation est épuisée, quand il n’y a plus rien à dire de la vie actuelle, l’homme se demande invinciblement si tout est épuisé, s’il est à la fin de tout ? Ceci est donc le dernier problème, et le plus élevé de tous ceux aux-

  1. Opinion de M. Royer-Collard sur le projet de loi relatif au sacrilége, pages 7 et 17.