Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/110

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temps à la face de tous les empires, de tous les siècles, de toutes les dynasties de rois, que je brisais sous mes pieds de squelette.

VI

En vain j’ai entendu des peuples dévorés par la peste crier après la vie, en vain j’ai vu des rois qui se cramponnaient à leur couronne, en vain j’ai vu les larmes d’une mère qui me demandait son enfant ; leur prière me semblait ridicule.

VII

Et je broyais avec avidité, sous mes dents, brillante jeunesse, empire puissant, siècles pleins de gloire et d’honneur, rois, empereurs ; j’effaçais leur blason, leur gloire, et, dans mes mains décharnées, je réduisais en poudre le sceptre doré aussi facilement que la houlette du pasteur.

VIII

J’aime à m’introduire dans le lit d’une jeune fille, à creuser lentement ses joues, à lui sucer le sang, à la saisir peu à peu et à la ravir à son amant, à ses parents qui pleurent et sanglotent sur cette pauvre rose si vite fanée.

IX

Alors je me réjouis sur son front encore blanc, je contemple ses lèvres ridées par la fièvre, j’entends avec plaisir le bourdonnement des mouches qui viennent autour de sa tête, comme signes de putréfaction.

X

Et je ris avidement en voyant les vers qui rampent sur son corps.