Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, I.djvu/498

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la ville qui tombe, pour aller rejoindre la cavale et la louve.

Après avoir passé sa vie dans les palais et usé ses pieds sur les dalles des grandes villes, l’homme ira mourir dans les bois.

La terre sera séchée par les incendies qui l’ont brûlée, et toute pleine de la poussière des combats, le souffle de désolation qui a passé sur les hommes sera passé sur elle, et elle ne donnera plus que des fruits amers et des roses d’épines, et les races s’éteindront au berceau, comme les plantes battues par les vents qui meurent avant d’avoir fleuri.

Car il faudra bien que tout finisse et que la terre s’use à force d’être foulée ; car l’immensité doit être lasse enfin de ce grain de poussière qui fait tant de bruit et trouble la majesté du néant. Il faudra que l’or s’épuise à force de passer dans les mains et de corrompre ; il faudra bien que cette vapeur de sang s’apaise, que le palais s’écroule sous ce poids des richesses qu’il recèle, que l’orgie finisse et qu’on se réveille.

Alors il y aura un rire immense de désespoir, quand les hommes verront ce vide, quand il faudra quitter la vie pour la mort, pour la mort qui mange, qui a faim toujours. Et tout craquera pour s’écrouler dans le néant, et l’homme vertueux maudira sa vertu et le vice battra des mains.

Quelques hommes encore errants dans une terre aride s’appelleront mutuellement ; ils iront les uns vers les autres, et ils reculeront d’horreur, effrayés d’eux-mêmes et ils mourront. Que sera l’homme alors, lui qui est déjà plus féroce que les bêtes fauves, et plus vil que les reptiles ? Adieu pour jamais, chars éclatants, fanfares et renommées ; adieu au monde, à ses palais, à ses mausolées, aux voluptés du crime, et aux joies de la corruption ! La pierre tombera tout à coup, écrasée par elle-même, et l’herbe poussera