Page:Gustave Flaubert - Œuvres de jeunesse, II.djvu/267

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Eh bien ? dit le roi vivement, et les troupes ?

— Tout est perdu, sire ! J’arrive chez Bernard, je lui demande des troupes, je dis qu’il y va pour vous de la vie ou de la mort, il refuse ; je Le supplie, j’embrasse ses genoux, ses mains, je le prie comme on prie Dieu : « Non, dit-il en me repoussant du pied avec mépris et dédain ; moi ! j’irais porter du secours à ton maître ! si j’avais des assassins, je lui en enverrais ; mais il en a un, c’est toi ! Tu as bien assassiné Guillaume, assassine le peuple, assassine-le donc, ce seigneur-là !… Moi ! des troupes au roi de France ! je ne dois donner du secours qu’au duc de Normandie. Que le roi rende son prisonnier et qu’il laisse cette province ! » « Va-t’en, a-t-il ajouté en me donnant un coup de cravache sur la figure, va-t’en, assassin, dire ces mots à celui qui t’envoie ! »

En ce moment-là le peuple avait brisé les portes, il était dans les escaliers, ses pas retentissaient sous les voûtes.

— Le roi ! le roi ! criait-il.

La fenêtre s’ouvrit et laissa voir Louis IV, portant dans ses bras le duc de Normandie.

Les piques et les armes tombèrent des mains.

— Noël ! Noël ! vive le roi ! vive le duc ! criait le peuple.

Et cette immense acclamation se répandait dans toutes les rues, et trouvait un écho dans tous les cœurs.