Page:Gustave Flaubert - Trois contes.djvu/113

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À la fin du jour, il se présenta devant sa femme ; et, d’une voix différente de la sienne, il lui commande premièrement de ne pas lui répondre, de ne pas l’approcher, de ne plus même le regarder, et qu’elle eût à suivre, sous peine de damnation, tous ses ordres qui étaient irrévocables.

Les funérailles seraient faites selon les instructions qu’il avait laissées par écrit, sur un prie-Dieu, dans la chambre des morts. Il lui abandonnait son palais, ses vassaux, tous ses biens, sans même retenir les vêtements de son corps, et ses sandales, que l’on trouverait au haut de l’escalier.

Elle avait obéi à la volonté de Dieu, en occasionnant son crime, et devait prier pour son âme, puisque désormais il n’existait plus.


On enterra les morts avec magnificence, dans l’église d’un monastère à trois journées du château. Un moine en cagoule rabattue suivit le cortège, loin de tous les autres, sans que personne osât lui parler.

Il resta, pendant la messe, à plat ventre au milieu du portail, les bras en croix, et le front dans la poussière.

Après l’ensevelissement, on le vit prendre le chemin qui menait aux montagnes. Il se retourna plusieurs fois et finit par disparaître.