Page:Gustave Flaubert - Trois contes.djvu/145

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à se peupler. Des pasteurs piquaient des bœufs, des enfants tiraient des ânes, des palefreniers conduisaient des chevaux. Ceux qui descendaient les hauteurs au delà de Machærous disparaissaient derrière le château ; d’autres montaient le ravin en face, et, parvenus à la ville, déchargeaient leurs bagages dans les cours. C’étaient les pourvoyeurs du Tétrarque, et des valets, précédant ses convives.

Mais au fond de la terrasse, à gauche, un Essénien parut, en robe blanche, nu-pieds, l’air stoïque. Mannaëi, du côté droit, se précipitait en levant son coutelas.

Hérodias lui cria :

— Tue-le !

— Arrête ! dit le Tétrarque.

Il devint immobile ; l’autre aussi.

Puis ils se retirèrent, chacun par un escalier différent, à reculons, sans se perdre des yeux.

— Je le connais, dit Hérodias, il se nomme Phanuel, et cherche à voir Iaokanann, puisque tu as l’aveuglement de le conserver !

Antipas objecta qu’il pouvait un jour servir. Ses attaques contre Jérusalem gagnaient à eux le reste des Juifs.

— Non ! reprit-elle, ils acceptent tous les maîtres, et ne sont pas capables de faire une patrie.