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sont précieux, et à étudier, à savourer pour sentir ce monde que vous avez fait revivre. — C’est aussi fort, et plus allégé que Salammbô.

234. « Des mains faibles et méchantes » n’est clair qu’en réfléchissant beaucoup, et pas à tout le monde. Tout le reste superbe, et rien de profond comme l’antagonisme intime du Juif et du Latin.

238. Avant-dernier alinéa « C’était Hérodias » pas très clair non plus pour le lecteur non préparé, on ne comprend qu’après, à la page suivante.

Voilà tout, mon cher ami, je vous serre la main et vous félicite.

Pour moi je ponds douloureusement et lentement, l’œuf étant trop gros.

À vous.

H. Taine.______




Samedi, 28 avril 1877.

______Bien cher Maître,

C’est en vous serrant la main que je pourrai seulement vous remercier, comme je le désire, de l’envoi de votre nouveau livre. Cette marque d’affectueux souvenir est pour moi, croyez-le bien, des plus précieuses, car, après mon admiration pour vos œuvres, ma grande sympathie pour l’écrivain, je ne pouvais rien désirer tant que l’amitié de celui vers qui tout me poussait. J’ai voulu vous écrire avant de vous avoir entièrement lu, votre œuvre étant de celle qu’on déguste et qu’on lit amoureusement sans passer une phrase, un mot, une épithète. J’ai commencé par Hérodias, attiré par l’intérêt que vous savez. Vous complimenter serait banal ; sachez seulement que je ne puis qu’admirer et relire, avec le sentiment de petitesse et de noble jalousie qui vous écrase devant l’œuvre du maître. Vos phrases, après le charme étrange et irrésistible dont elles enveloppent le lecteur, mordent l’esprit comme l’eau-forte mord la plaque de cuivre, y gravant d’une façon indélébile les tableaux et les caractères que vous tracez si puissamment.