Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

blant d’une passion sincère ; mais ce n’était pas en elle que criait cette passion. Pourtant elle se sentait si contente d’avoir fait naître ce sentiment-là, si contente que ce fût dans un homme capable de l’exprimer ainsi, dans un homme qui lui plaisait décidément beaucoup, à qui elle s’attachait vraiment, dont elle avait de plus en plus besoin, non pour son corps, non pour sa chair, mais pour son mystérieux être féminin si avide de tendresse, d’hommages, d’asservissement, si contente, qu’elle avait envie de l’embrasser, de lui donner sa bouche, de se donner toute, pour qu’il continuât à l’adorer ainsi.

Elle lui répondit sans feinte et sans pruderie, avec l’adresse profonde dont certaines femmes sont douées, en lui montrant qu’il avait fait aussi, en son cœur à elle, de grands progrès. Et, dans le salon, où par hasard, ce jour-là, personne ne vint jusqu’au crépuscule, ils demeurèrent en tête-à-tête à se parler de la même chose, en se caressant avec des mots qui n’avaient point le même sens pour leurs âmes.

On avait apporté les lampes quand Mme  de Bratiane parut. Mariolle se retira, et, comme Mme  de Burne l’accompagnait dans le premier salon, il lui demanda :

— Quand vous verrai-je là-bas ?

— Voulez-vous vendredi ?

— Mais oui. Quelle heure ?