Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/198

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bien. Elle ne voulait point tout à l’heure, car elle passait à l’avance par les mille petits détails énervants du rendez-vous ! Elle se piquait les doigts aux épingles d’acier, qu’elle maniait mal ; elle ne retrouvait plus rien de ce qu’elle avait jeté à travers la chambre en se dévêtant hâtivement, préoccupée déjà par cette corvée odieuse de se rhabiller toute seule.

Elle s’arrêta sur cette pensée, la fouillant, la pénétrant bien pour la première fois. N’était-ce pas un peu vulgaire, un peu répugnant tout de même, cet amour à heure fixe, prévu la veille ou l’avant-veille, comme un rendez-vous d’affaires ou une consultation de médecin. Après un long tête-à-tête inattendu, libre et grisant, rien de plus naturel que le baiser jailli des lèvres, unissant deux bouches qui se sont charmées, qui se sont appelées, qui se sont séduites par de tendres et chaudes paroles. Mais comme cela était différent du baiser sans surprise, annoncé d’avance, qu’elle allait recevoir une fois par semaine, sa montre à la main. C’était si vrai que, par moments, elle avait senti s’éveiller en elle, aux jours où elle ne devait pas voir André, de vagues envies de le rejoindre, tandis que ce désir n’apparaissait qu’à peine quand elle allait à lui avec des ruses de voleur traqué, des contre-marches suspectes, des fiacres malpropres, le cœur distrait de lui par toutes ces choses.

Ah ! l’heure d’Auteuil ! elle l’avait calculée sur