Page:Guy de Maupassant - Notre Cœur.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle sentait bon, comme le printemps dans les jardins ; elle était plus fraîche que ses guirlandes. André la regardait, ébloui, et songeant qu’il serait aussi brutalement barbare de la prendre en ses bras en ce moment, que de piétiner un parterre épanoui. Leur corps ainsi n’était plus qu’un prétexte à parures, un objet à orner : ce n’était plus un objet à aimer. Elles ressemblaient à des fleurs, elles ressemblaient à des oiseaux, elles ressemblaient à mille autres choses autant qu’à des femmes. Leurs mères, toutes celles des générations passées, employaient l’art coquet pour aider la beauté, mais elles cherchaient d’abord à plaire par la séduction directe de leur corps, par la puissance naturelle de leur grâce, par l’irrésistible attrait que la forme féminine exerce sur le cœur des mâles. Aujourd’hui, la coquetterie était tout, l’artifice était devenu le grand moyen et aussi le but, car elles s’en servaient plutôt même afin d’irriter les yeux des rivales et de fouetter stérilement leur jalousie que pour la conquête des hommes.

À qui donc était destinée cette toilette, à lui l’amant, ou à humilier la princesse de Malten ?

La porte s’ouvrit : on l’annonça.

Mme de Burne eut un élan vers elle ; et, tout en veillant aux orchidées, elle l’embrassa, les lèvres entr’ouvertes, avec une petite moue de tendresse. Ce fut un joli, un désirable baiser donné et rendu à plein cœur par les deux bouches.