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CRITIQUE DE L’IDÉE DE SANCTION.

Nous avons montré qu’on peut considérer le remords sous un double aspect, tantôt comme la constatation douloureuse et relativement passive d’un fait (désobéissance à un penchant plus ou moins profond de l’être, déchéance de l’individu par rapport à l’espèce ou à son propre idéal), tantôt comme un effort plus ou moins pénible encore, mais actif et énergique, pour sortir de cet état de déchéance. Sous son premier aspect, le remords peut-être logiquement et physiquement nécessaire ; mais il ne devient moralement bon que lorsqu’il revêt son second caractère. Le remords est donc d’autant plus moral qu’il ressemble moins à une sanction véritable. Il est des tempéraments chez lesquels ces deux caractères du remords sont assez nettement scindés ; il en est qui peuvent éprouver une souffrance très cuisante et parfaitement vaine ; il en est d’autres qui (la raison et la volonté étant chez eux prédominantes) n’ont pas besoin de beaucoup souffrir pour reconnaître qu’ils ont mal fait, et s’imposer une réparation ; ces derniers sont supérieurs au point de vue moral, ce qui prouve que la prétendue sanction intérieure, ainsi que toutes les autres, ne se justifie que comme un moyen d’action.