Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/100

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« Je ne serais pas longtemps : je connais ma cachette et je puis la trouver sans lumière. Tiens-toi prêt pour partir aussitôt, car il faut que nous soyons à la frontière avant le jour. »

Il sortit et je courus à la chambre de Magdeleine.

« Levez-vous, lui dis-je, M. Frank est venu et nous allons partir. »

La pauvre vieille s’habilla toute émue et bientôt elle vint près du feu.

« M. Frank est venu ! Où est-il ? Et Wilhelmine ?

— Elle est restée à Luxembourg. Quant à M. Frank, il va venir, il est au moulin. Préparez un sac de voyage, ma pauvre Magdeleine, je vais vous quitter et aller à Luxembourg. »

La bonne femme se mit à gémir, mais elle prépara tout ce qui m’était le plus nécessaire.

Pendant ce temps, je recueillais dans un portefeuille les papiers les plus précieux de ma famille et tout l’argent de ma mère. Je brûlai ce que je ne pouvais emporter.

Je mis un rouleau d’or dans la main de la vieille servante.

« Tenez, Magdeleine, voici pour vous : je vous laisse en garde la maison de mes parents. Conservez-la telle qu’elle est, afin que si je reviens quelquefois, je retrouve tous mes souvenirs chéris. »

En parlant ainsi je pleurais et Magdeleine était plus morte que vive.

M. Frank arriva en ce moment : il était tout consterné.

« Mon pauvre Christian, dit-il, on m’a tout volé : le jardin a été retourné et je suis ruiné. J’avais caché là dans une boîte des papiers importants et de l’or représentant une partie de ma fortune. Comment vivre maintenant ? Quel triste sort va menacer ma Wilhelmine ! Oh ! C’est trop de malheur à la fois ! »

Et le père Frank se tordait les mains.