Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/50

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le contraire de ce que vous avez dit. Aussi je vais vous faire remmener hors des postes, de là au camp de Courcelles-sur-Nied, d’où vous serez reconduit à Nancy, avec un corps de troupes, qui va s’y rendre. Quant à aller à Daspich, il n’y faut pas songer, avant que toute la vallée de la Moselle ne soit occupée. »

Je fus vivement contrarié en entendant ces paroles. Retourner à Nancy, recommencer ma route si longue, moi qui me croyais presque à mon but, moi dont les pieds ensanglantés n’avaient de force que par l’espoir d’être bientôt au milieu des Français !

« Monsieur, répondis-je à l’officier, je suis très fatigué de la marche forcée que j’ai faite depuis deux jours. Je pourrais retourner à Nancy moi-même, après m’être reposé dans un village voisin. Je suis incapable de recommencer à l’instant une pareille route.

— Le corps d’armée qui se rend à Nancy ne part que demain et il ira à petites journées. Vous ne serez en liberté qu’autant que, à Nancy, on aura expliqué votre sauf-conduit. »

Après ces mots, l’officier, qui avait tracé quelques lignes sur un papier, le donna au dragon, et lui fit signe de me reconduire.

Nous reprîmes la même route. Au dernier poste, près de la barrière, deux uhlans furent chargés de m’emmener à Courcelles-sur-Nied[1], qui se trouvait sur le chemin de fer, à une lieue de là.


IX

Quelles amères réflexions je faisais en marchant sur le chemin étroit, qui conduisait au village, entre la voie ferrée et le bois !

  1. Sur le chemin de fer de Metz à Forbach. Courcelles était un des camps les plus importants de l’armée d’investissement.