Page:Guyon - Histoire d’un annexé (souvenirs de 1870-1871).djvu/65

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çon ! Ah ! c’est ainsi que tu laisses tes amis sans nouvelles ! Mais tu es tout pâle ; entre donc, que je te fasse boire un verre de mon vieux Guentrange ! »

Et le brave homme m’embrassait, me regardait, se reculant pour mieux me voir, puis me serrait dans ses bras ! Il me serrait si fort que je criai, car mon épaule me faisait mal.

« Es-tu malade ? me demandait-il, en m’introduisant dans la grande chambre.

— Non, c’est une légère blessure à l’épaule.

— Blessé ! Toi ! où donc ? Comment ?… Et ta mère, elle doit être bien heureuse et bien effrayée à la fois.

— Je ne me suis pas encore montré à elle : j’ai peur que l’émotion ne la tue. Je suis venu tout droit chez vous, pour vous prier d’aller la prévenir doucement.

— J’y cours. Assieds-toi.

— Et Wilhelmine ?

— Oui, oui ! Je vois bien que tu regardes de tous côtés, depuis que tu es là. C’est bon : elle va venir. Tu la verras chez ta mère, cela vaudra mieux, tu seras reposé !… Viens avec moi, tu te cacheras derrière les arbres, jusqu’à ce que je te fasse signe. »

Nous retournâmes au bosquet. Je restai en arrière, tandis que le père Frank, pouvant à peine garder son sérieux, cherchant à ne pas sauter de joie, s’avançait vers ma mère.

« Wilhelmine n’est pas avec vous ? demanda-t-il, en faisant la grosse voix, pour se donner une contenance.

— Non, répondit ma mère, elle est venue, il y a une heure, mais je crois qu’elle est retournée dans sa chambre.

— Ah !… C’est que… j’aurais aimé de vous voir là, toutes les deux…

— Pourquoi ?

— Parce que j’ai une bonne nouvelle…

— Une nouvelle, dit ma mère, en se levant, et